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« Emporté par le tour… »

 

« Un tourbillon de souvenirs qui s’entrelacent, s’entrechoquent et se percutent. Vingt ans et plus qu’on le sait… La prise de tête, les nuits blanches et les inquiétudes des mois d’avant s’évanouiront dès qu’on tutoiera les dates butoir. Cette année, le funk sera dru et mutant,

le zydeco du fin-fond de Louisiane n’oubliera pas ses Caraïbes et le jazz rythmera son blues avec une grâce toute particulière. Une lumière au bout d’un tunnel de deux ans. Un MNOP (Musiques de la Nouvelle-Orléans en Périgord) tour pour s’affranchir du morose pandémique, pour mélanger les genres, les malaxer et se vacciner des catégorisations d’apparât.

 

Le bling bling sera aux antipodes du premier village traversé. Sous la halle, les 120 âmes de Bourrou doubleront la mise en toute simplicité. La voix, le trombone, le banjo et la contrebasse de Crawfish Wallet y seront aussi à l’aise que plus tard au Château des Bories d’Antonne.

 

Un New Orleans Street Music prémonitoire. Un tour qui mélangera la clarinette d’Evan Cristopher à la guitare manouche de Fappy Lafertin dans une abbaye cistercienne – Boschaud – ou devant le château du Bouquet de Sorges. Django à la créole pour mieux lancer l’accordéon de Sunpie Barnes à l’assaut des feux d’artifices.

 

On passera de celui de Sorges au 14 juillet bordelais en bord de Garonne. À chaque fois, l’accordéon de Sunpie et le gumbo spécial concocté par les Flyin’Saucers tutoieront les étoiles filantes et les bouquets terminaux. Croiser le fer avec le frottoir de Fabio Izquierdo frisera dès lors l’euphémisme…

 

Un gentleman néo-orléannais en ligne directe d’Helsinki… Un arc artique en tension sur la trompette louisianaise de Leroy Jones. Le grand musicien, régulier résident finlandais, ancien chef d’orchestre d’Harry Connick Jr, pilier du Preservation Hall et de tant d’orchestres de la Cité du Croissant, passera nous voir. Son amitié avec le tromboniste basque Iep Arruti fera le reste. Un répertoire original s’affranchissant de l’habituel pot-pourri de Bourbon Street laissera place à un rhythm and blues aéré, à un funk léger et puissant. Here Come The Big Parade, morceau fétiche d’un Connick grande époque, y retrouvera un groove d’innocence, propice à un déhanché lacif de second line. La création d’une suite dédiée à MNOP permettra à Iep Arruti de rajouter quelques cordes de « classical swinguant » pour trois dates mémorables. Derrière la mairie de Mensignac, au milieu du cloître de la cathédrale St Front ou dans le château d’Excideuil, les dix musiciens s’envoleront dans une bulle extatique. Avec le sourire et le bien-être de Leroy pour valider le pass…

 

Dans les souvenirs ressassés, réactivés et réinventés, on reviendra souvent sur la plaine de Lamoura de ce 17 juillet. Trois orchestres qui s’invitent mutuellement, les différents styles musicaux qui s’imbriquent et pour clôre l’évènement une performance du groupe Just About Fun(k) faisant la part belle aux musiques originelles de NOLA. Fanfares et Mardi Gras Indians, le tuba de Kirk Joseph, les chants de Big Chief Juan Pardo soutenus par l’impeccable New Orleans Beat de Jérome Bossard… Rejoint par la section cuivrée des High Blood Pressure et par les danses de Sunpie et d’Amandine des Crawfish Wallet, le final de feu aura l’improvisation foutraque et groovée.

 

On deviendrait gourmands de ces moments de partages inattendus qu’on se ressassera jusqu’à plus soif dans quelques coins du feu hivernaux : Tiger Rose rejoignant Doo the Doo sous les toiles de Douchapt Blues pour un swamp breton plus que trentenaire,

 

N’Deye chantant et dansant dans les locaux de MNOP pour conjurer la pluie annulant le concert périgourdin, Perry Gordon rocaillant My Josephine devant les O’City Vipers en bord d’Isle trélissacoise, le saxophone de Sylvain Terjizo rugissant de concert avec les Lowland Brothers sur la scène de Montagrier, la NuSoul de polylogue from Sila s’invitant naturellement dans l’univers d’Erikah Badu en bordure du Château des Izards à Chamiers, le piano de David Torkanowski accompagnant la voix fragile et précieuse de Dave Blenkhorn devant le toit de lauzes de l’église de Valojoulx, la rythmique de Geoffrey Lucky Pepper atomisant la terrasse d’un restaurant de Thonac, l’accordéon de Johnny Sansone s’imbriquant avec les guitares d’Anthony Stelmazack et de Mat Wanderchield pour repenser le Bayou St John du côté de Tocane St Apre, la touchante complicité père-fille des Coudougnan’s dans un séchoir à tabac de Villars ou le blues au fond du temps de Lonesome Shack à portée des canons de la place du Thouin de Périgueux ; assurément, une veillée n’y suffira pas… »

 

Stéphane Colin – ABS Magazine 27 août 2021

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« Dordogne : le Périgord prends des airs de Nouvelle-Orléans avec le festival MNOP »

 

« Pour fêter comme il se doit le 20e anniversaire de la manifestation, les organisateurs de Musiques de la Nouvelle-Orléans en Périgord (MNOP) proposent une soirée de concerts, samedi 17 juillet, à Boulazac-Isle-Manoire.

 

La plaine de Lamoura à Boulazac-Isle-Manoire (Dordogne) va prendre des airs de Nouvelle-Orléans (États-Unis) un jour de Mardi gras, samedi 17 juillet, à l’occasion du concert organisé pour célébrer les 20 années d’existence du festival MNOP. Depuis deux décennies maintenant, cet événement estival permet aux Périgourdins de découvrir et d’apprécier la culture sonore qui fait la richesse de ce petit coin de Louisiane.

« Nous aimons beaucoup cette musique. Cela fait deux ans que nous attendons de pouvoir fêter cet anniversaire. C’est assez étrange et excitant à la fois. Nous allons essayer d’envoyer une vague d’optimisme pour conjurer la tristesse du moment », promet Stéphane Colin, le président de la manifestation, à l’approche de l’événement.

Quatre têtes d’affiche

Les festivités vont démarrer sur les chapeaux de roue (1), dès 19 heures, avec une représentation de Sunpie, un ancien joueur de football professionnel qui s’est reconverti dans la musique et qui est, selon les dires de Stéphane Colin, « un des plus grands musiciens zydeco ». Pour les non-connaisseurs, il s’agit d’un genre musical mêlant le blues de Louisiane du Sud avec des notes d’influence française et qui a su rester d’actualité en adoptant des touches très funky. L’ambiance promet donc d’être festive.

Ce sera ensuite au tour de Leroy Jones, un chef d’orchestre de la Nouvelle-Orléans, accompagné d’un groupe jazz-funk, de quoi faire se déhancher le public. Il plongera les spectateurs dans l’ambiance joviale des célèbres fanfares de Louisiane qui font la renommée de son carnaval.

Les festivaliers auront à peine eu le temps de reprendre leur souffle qu’ils verront déjà monter sur scène le groupe Just About Fun(k), accompagné de Kirk Joseph, « une des figures tutélaires de la musique de fanfare », précise le président de la manifestation en fin connaisseur de cet univers.

Un voyage musical

Entre deux intermèdes musicaux, les spectateurs pourront aller se sustenter grâce aux food-trucks présents sur place. La soirée anniversaire se terminera en beauté avec un concert de Big Chief Juan Pardo, digne représentant des Indiens de Mardi gras. Cet Afro-américain, portant le costume traditionnel indien (pour marquer la solidarité entre ces deux peuples), envoûtera à coup sûr les auditeurs avec des chants traditionnels venus d’un autre temps.

Et pour ceux qui n’auraient pas pu embarquer pour ce vol festif en direction de la Louisiane, d’autres décollages sont prévus jusqu’à fin août dans plusieurs autres communes du département (lire ci-dessous). « Nous voulons raconter une histoire et c’est important d’aller vers les gens », prône Stéphane Colin. Accrochez bien vos ceintures, car ce périple sonore dépaysant risque d’en faire chavirer plus d’un. »

 

Maeva Bay – Sud-Ouest le 14 juillet 2021

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« MNOP Gran Circus 2021, Boulazac »

 

« Piloté depuis 2001 par notre collaborateur Stéphane Colin et sa bande, ce festival-ami qui, pandémie oblige, avait dû faire l’impasse sur l’édition précédente soufflait par conséquent ses 20 bougies cette année. Après des mois d’abstinence, autant dire qu’on n’allait pas rater la soirée phare du festival : le MNOP Gran Circus, une affiche dont l’esthétique graphique comme les noms imprimés dessus nous faisait déjà saliver comme un une assiette fumante de gombo, c’est dire ! 

 

Autre avantage de se rendre au MNOP cette année : on y était accompagné cette fois d’un apprenti en musique néo-orléanaise. On allait donc pouvoir assister “in situ” aux effets que produisent les musiques mises en lumière dans le cadre de ce festival unique en son genre sur un bizut plus habitué à la route du rock qu’aux marécages groovy de Louisiane. 

Zydequoi ?

 

Plusieurs centaines de festivaliers sont entrés dans l’enceinte du festival dans la chaude lumière du soir, quand les “bonsoirs” et les bons mots de circonstances des organisateurs résonnent dans le micro. 

C’est aux Flying Saucers et leurs vibrations nourrit de (rhythm and) blues & zydeco que revient la délicate mission d’ouvrir ce bal du samedi soir d’un genre particulier. Dans le cadre du MNOP tour (le festival est itinérant dans toute la région sur une durée de 2 mois), le groupe bien connu des lecteurs de Soul Bag a partagé l’affiche dix jours durant avec un invité de marque, Sunpie Barnes, accordéoniste, harmoniciste, chanteur, ambianceur et sûrement plus encore.

 

Ce soir, c’est leur dernier concert ensemble avant que Sunpie ne s’en retourne outre-Atlantique. Le “stagiaire” s’interroge sur le frottoir de Fabio Izquierdoet le fait qu’on joue de l’accordéon dans le sud des États-Unis, lui qui jusqu’à ce jour ne s’est rendu que dans les mégapoles du Nord. Hé oui, la race des chromatiques tailles XL comme celui qu’endosse Barnes n’est donc pas réservée au seul registre musette. 

 

Zydeco kézako, me souffle-t-il discrètement dans l’oreillette alors que je suis en grande conversation avec un éminent spécialiste du genre (et membre duSoul Bag crew lui aussi). L’occasion est trop belle, je lui remets donc Phil “Zydecoland” Sauret dans les pattes pour un petit cours express et personnalisé sur la richesse et la vivacité de cette scène musicale presque invisible de ce côté-ci de l’Atlantique. Verdict : un quart d’heure plus tard, alors que je lui ramène le rafraîchissement alcoolisé promis, mon stagiaire est aux premières loges et tape dans ses mains comme presque toute l’assemblée sur un boogie enflammé.

Les Saucers sont en forme et Sunpie drive le show avec charisme, humour et bonhomie.

 

Entre reprises de classiques et compositions personnelles, la plaine du Lamoura tangue tranquillement. Ça commence à danser discrètement même, avec cette retenue toute française malgré les invitations répétées de l’accordéoniste qui engagent les spectateurs à lâcher prise, ou au moins leur siège.

Nuit tombante et quelques bières (locales) plus tard, il n’y a plus uniquement les premiers rangs qui swinguent. Le final de Flying Saucers Gumbo Special et leur génial invité illustre bien la montée en puissance du plateau prévu pour la grande soirée du MNOP. Et c’est dans le brouhaha des applaudissements que les musiciens se plient au rituel du salut final.

 

Ooh Poo Pah Doo

 

Petit entracte et nous voilà déjà en train d’accueillir la seconde phase de cette plongée néo-orléanaise en terre périgourdine. C’est au tour du trompettiste Leroy Jones, notamment membre du Preservation Hall Jazz Band, de grimper sur scène. Ce soir il est accompagné par High Blood Pressure, formation à géométrie variable fruit de l’alliance du tromboniste Sébastien Arruti et du saxophoniste Sylvain Tejerizo.

 

Nola jazz ou rhythm & blues cuivré, c’est un set qui tape sans retenue dans le répertoire de Crescent City auquel on assiste. D’Allen Toussaint à Harry Connick Jr, de Dr. John à Professor Longhair, et une inévitable parenthèse St James Infirmary, les cinq musiciens d’High Blood Pressure laissent l’espace nécessaire pour que Leroy Jones s’exprime pleinement au travers de son instrument. Un ou deux titres chantés par le trompettiste, les autres le seront par le brillant leader pianiste des Money Makers, Damien Daigneau.

 

On pense aux AFO Executives pour la rigueur du jeu et le soin donné aux harmonies. Mais quand des musiciens qui trépignent en backstage sont appelés en renfort pour un Ooh poo pah doo fédérateur et à rallonge que n’aurait pas renié Jessie Hill, bien obligé de sourire en voyant mon acolyte néophyte abandonner la longue file devant le food truck, et rejoindre la sarabande sur le devant de la scène.

 

Bouchées doubles

 

Si la nuit s’est maintenant complètement abattue sur la plaine du Lamoura, le public comme les musiciens sont en revanche loin de l’être. Retour à la case food truck (je ne suis pas non plus un maître de stage inconscient) où les échanges et discussions avec d’autres ventres vides (les verres en revanche sont pleins) sont fort sympathiques et camarades. Et même enrichissants quand on glisse de la tchatche purement musicale au terrain glissant de ce maudit virus et l’importance de la tenue de ce type de festivités en temps de pandémie.

Puis, notre dernière bouchée avalée, on se déplace à l’unisson vers ce qui s’apparente comme la dernière partie de soirée : Just About Fun(k) et leurs invités de luxe, Kirk Joseph (sousaphone) et Takeshi Shimura (guitare), conjointement exfiltrés de l’emblématique Dirty Dozen Brass Band pour ce séjour périgourdin. Des grooves crus et bouillonnants, un trompettiste inspiré, une complicité évidente entre les baguettes de Jérome Bossard et le cuivre gras de Kirk Joseph : la première partie de ce dernier show, par ses syncopes zébrées, le grondement du sousaphone et son funk fédérateur annoncerait-elle donc l’orage dans cette douce nuit étoilée ?

 

Thunder in Périgord !

Les éclairs et cette foudre que l’on pressentait seront donc incarné par l’arrivée flamboyante de Juan Pardo, Big Chief des Golden Comanche, qui dans un costume paré de mille sequins et broderies, majestueusement coiffé et armé d’un fidèle tambourin semble bien décidé à finir de retourner la plaine du Lamoura et emporter le public dans un tourbillon incantatoire. Funk carnavalesque et Mardi Gras Indian’s groove obligent, à cette heure tardive plus grand monde n’est encore assis.

 

La chaleur d’une foule chantante massée au pied de la scène, des call and response bien connus (Injuns, Here they come, Ooh na nae, Sew sew sew…) et d’autres brillamment improvisés par un Juan Pardo électrique ont l’écho spontané du public. Jeu de guitare étourdissant de Shimura, Sunpie Barnes en ambianceur en chef, épaulé par un Kirk Joseph en nage et dont le souffle ne se tarit donc jamais.

 

Dans la nuit maintenant bien avancée, ça danse, ça se déhanche, en un mot, ça balance pas mal par ici (hein Michel ?). Ravi d’en être, on réalise soudainement le travail accompli par l’équipe de MNOP à ce moment précis, un fil tendu à la force du poignet entre La Nouvelle-Orléans et… Boulazac. L’intégralité des backstage est maintenant sur scène pour une jam finale en mode gros bordel, mais tellement nécessaire humainement parlant dans ce monde d’injonctions sanitaires et de gestes barrière (pour rappel, on est en plein air, peu de risque de cluster).

Derniers verres, du blabla et des sourires sur les mines fatiguées du staff. Je retrouve mon stagiaire tout ébouriffé sous sa casquette, bien heureux semble-t-il d’avoir gouté le temps d’un soir au moins aux vibrations de Cresent City à seulement trois heures de chez lui… Et je ne serais pas surpris qu’il y prenne pris goût. Comment faire autrement ? »

 

Julien D – Soul Bag 14 septembre 2021

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« Depuis 20 ans le Périgord vibre aux rythmes de La Nouvelle-Orléans »

 

« Fort de son ancrage rural, le festival MNOP basé dans le Périgord est le seul rendez-vous de l’hexagone entièrement consacré aux musiques de La Nouvelle-Orléans.

 

Au cœur du Sud-Ouest se cache un secret digne des Templiers. MNOP Gran Circus, MNOP Tour… Non, ces noms de codes étranges n’ont pas été inventés par d’obscures sociétés secrètes. MNOP signifie Musiques de La Nouvelle-Orléans en Périgord, tout simplement.

Le caractère confidentiel de la manifestation peut également trouver son explication dans la relative méconnaissance de cette scène musicale de ce côté de l’Atlantique. Si la série Treme, qui raconte la vie des musiciens après le passage de Katrina, a conquis le cœur de nombreux fans, pour la plupart de nos compatriotes la musique à La Nouvelle-Orléans se résume à Petite Fleur et La Vie En Rose.

Il faut reconnaître que MNOP serait passé sous le radar du chroniqueur si je n’avais pas rencontré son fondateur en 2019 dans un proscenium du French Quarter Festival.

 

Vous avez dit Festival de Jazz ?

 

C’est une soirée consacrée à Louis Armstrong qui en 2001 signa le coup d’envoi du Festival des Musiques de La Nouvelle-Orléans à Périgueux, sous l’égide de Jean-Michel et Stéphane Colin (père et fils).

Sous l’impulsion de Stéphane Colin, devenu président en 2012, le rendez-vous a su évoluer pour s’ouvrir à toutes les formes musicales de la Louisiane. La plaquette de l’édition 2021 s’amuse des classifications en égrenant la trentaine de styles musicaux que MNOP a présentée en vingt ans.

En 2010 s’est produit un véritable tournant : Un concert fondateur réunissant le célèbre Big Chief Monk Boudreaux et les 101 Runners déclenche l’enthousiasme du critique John Sinclair qui accompagne le groupe. Cette édition repoussera les frontières traditionnelles jazz, funk et blues pour épouser toutes les traditions de The Crescent City.

 

Un festival itinérant

L’année suivante, un désaccord avec la mairie de Périgueux jette sur les routes MNOP, qui décide de planter son barnum aux quatre coins de la Dordogne. Un ancrage au cœur des territoires dont est très fier Stéphane Colin.

Fait notable dans le monde des festivals : l’association est à l’équilibre. Sa recette ? Producteur, MNOP intervient en tant que prestataire, laissant la logistique aux municipalités. 37 dates, 48 concerts et 80 musiciens : les chiffres de l’édition 2021 impressionnent, même si Stéphane Colin reconnaît que deux mois et demi, « c’est un peu long. »

S’il est un festival modeste, MNOP ne manque pas d’ambition. Contre petite fortune, Stéphane Colin met du cœur à l’ouvrage. A coup de système D, le médecin, collaborateur du magazine Soul Bag à ses heures, met à profit sa fine connaissance de la scène musicale pour mélanger les musiciens locaux avec les invités venus d’outre-Atlantique.

 

Au fil des ans, MNOP a reçu la crème de la scène musicale de La nouvelle-Orléans

 

De fait, le tableau de chasse du festival est remarquable : Eddie Bo, Walter « Wolfman » Washington, Spencer Bohren, Chairmaine Neville, Don Vappie, Evan Christopher… MNOP a également reçu le poète Chuck Perkins, Erica Falls, future voix des Galactic, ou encore Delgrés, le groupe de blues créole qui fait le buzz.

 

Parmi les grands moments du festival : la rencontre en 2003 entre le français Benoît Blue Boy et le bluesman louisianais Lazy Lester (qui donna naissance à un enregistrement), le fameux concert de Monk Boudreaux en 2010, mais également un hommage à Gerschwin qui associa en 2015 le Marcus Roberts Trio à l’Orchestre National de Bordeaux.

Dernier fait d’armes : La première, à l’automne 2019, de l’hommage rendu par Yohan Giaume au compositeur Louis-Moreau Gottschalk, avec en vedette le clarinettiste néo-orléanais Evan Christopher. La sortie, début 2020, de l’album intitulé « Whisper of a Shadow » fut saluée dans le monde entier.

 

MNOP a sa vitrine : le Gran Circus

 

Depuis 2016, l’Ecole des Arts du Cirque de Boulazac reçoit dans la Plaine de Lamoura le Gran Circus, point d’orgue du festival, comme si une connivence naturelle reliait les circassiens à la manifestation ambulante. Malgré les difficultés à faire venir les artistes internationaux en temps de pandémie (Le line-up fut bouclé tout juste un mois avant le démarrage), l’édition des vingt ans, déjà une fois repoussée, réussit à proposer une affiche digne de l’événement.

Au programme de ce Gran Circus 2021, toutes les saveurs de La Nouvelle-Orléans : zydeco, jazz traditionnel et funk des Mardi Gras Indians, respectivement incarnées par Bruce « Sunpie » Barnes, le trompettiste Leroy Jones et Big Chief Juan Pardo accompagné de Kirk Joseph, le soubassophone du Dirty Dozen Brass Band. La réussite de la soirée tiendra tout autant à la qualité des premiers concerts qu’au projet Just About Fun(k) qui enflammera l’audience.

 

Les musiciens ne s’y trompent pas : le festival est devenu le point de ralliement des passionnés. MNOP est une initiative qui mérite d’être connue, mieux : soutenue. Stéphane Colin a construit un pont entre la France et La Nouvelle-Orléans, et jeté les bases d’une relation qui mériterait de plus amples développements.

 

Le grand gumbo périgourdin

 

Samedi 17 juillet, Boulazac (Dordogne). Le MNOP Gran Circus célèbre le vingtième anniversaire du Festival des Musiques de la Nouvelle-Orléans en Périgord. Pendant que le public se presse tranquillement plaine de Lamoura, le soleil joue les invités surpris de cet été arrosé. Après un an et demi de pandémie, la soirée est une oasis salutaire.

 

De par ses origines rurales, le zydeco, pendant créole de la musique cajun, apparaît définitivement approprié pour débuter la soirée. Le premier invité, Bruce « Sunpie » Barnes est un personnage passionnant. Né en Arkansas, c’est en devenant ranger au parc national Jean Lafitte qu’il s’est imprégné de la culture de la Louisiane. Très impliqué dans la communauté (Il est Chief du North Side Skull and Bone Gang, une tribu spectaculaire de Mardi Gras), Sunpie vient de publier « Le Ker Creole », un ouvrage consacré aux traditions créoles. C’est lui qui a écrit Lez African È Là, le titre phare de l’album de Yohan Giaume The Whisper of a Shadow.

 

Accompagné par le Flying Saucer Gumbo Special, formation locale quatre étoiles selon Soul Bag, chanteur, harmoniciste et accordéoniste, Sunpie met dans son jeu beaucoup de saveur. Il distille de nombreux morceaux de bravoure, certains carrément blues, d’autres plus créoles comme cet entraînant Marie Laveau.

 

Une soirée de célébration

Le plat de résistance fut concocté par le tromboniste Sebastien « Iep » Arruti et le saxophoniste Sylvain Téjérizo autour de la vedette de la soirée Leroy Jones, le discret trompettiste du mythique Preservation Hall Jazz Band.

De Dr John à Allen Toussaint, les tubes sont de sortie dans des versions propres à satisfaire les amateurs de jazz traditionnel. Le trompettiste donnera parfois de la voix sur des standards comme St James Infirmary et Do you know what It Means. Les connaisseurs apprécieront les incursions dans le répertoire de Harry Connick Jr, dont Leroy fut le trompettiste sur l’album She (1994).

Pour son vingtième anniversaire, MNOP s’est offert une célébration de The Big Easy, et un rappel sous la forme d’une jam session qui ne sera pas la dernière.

 

Trois shows pour le prix d’un

En guise de conclusion, fromage, dessert... et digestif. Le dernier concert est le fruit de plusieurs années de collaboration entre le batteur français Jérôme Bossard et Kirk Joseph, le soubassophone du Dirty Dozen Brass Band. Just About Fun(k) est une émanation du Backyard Groove, le projet personnel du Louisianais déjà plusieurs fois décliné en France.

Un spectacle en trois actes. En introduction, le projet Just About Fun(k) à proprement parler. Trompette planante, batterie trépidante, basse entêtante et deux guitares, parmi lesquelles le démonstratif Takeshi Shimmura, autre membre éminent du Dirty Dozen. La prestation, extrêmement convaincante, donne fichtrement envie de s’intéresser à l’enregistrement toujours dans les cartons.

 

Here He Comes… Surgit Juan Pardo, Big Chief des Golden Comanche dans son costume de plumes et de perles spectaculaire qui inspira à l’association son logo. Il faut savoir que les Indiens de Mardi Gras mettent un an pour confectionner leurs tenues. Sur un répertoire traditionnel (Ooh Na Nae, Saw Saw Saw...), le chef à la présence imposante offre un spectacle fascinant.

 

Le rappel servira de prétexte pour faire monter tous les musiciens présents dans un bœuf forcément bordélique, définitivement réjouissant. On se surprend à se retrouver dans la fosse façon monde d’avant, une parenthèse enchantée dans un monde covidé.

Voilà, c’est fini. Dans son coin, Stéphane Colin est visiblement ravi d’avoir réussi son coup : réunir tous les ingrédients nécessaires à un formidable gumbo musical. On en reprendra. »

 

Yannick le Maintec – Le Monde 20 Août 2021

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